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La médecine de proximité

La médecine de proximité vise à fournir des services à des personnes marginalisées, généralement en rupture sociale et désaffiliées du système de santé traditionnel. Cette pratique de la médecine s’inscrit dans une approche humaniste et à bas seuil d’exigence, sans aucun jugement.

Fabienne Djandji

Entrevue avec
Dre Fabienne Djandji

Médecin de famille et médecin répondant de la Clinique Médecine de Rue à Salaberry-de-Valleyfield

IUD : Bonjour Dre Djandji. Dans un premier temps, pourriez-vous nous dire en quoi consiste la médecine de proximité, aussi appelée médecine de rue ?

Dre Fabienne Djandji : La médecine de proximité vise à fournir des services à des personnes marginalisées, généralement en rupture sociale et désaffiliées du système de santé traditionnel. Il s’agit principalement de personnes en situation d’itinérance, pratiquant le travail du sexe ou utilisant des substances psychoactives. Cette pratique de la médecine s’inscrit dans une approche humaniste et à bas seuil d’exigence, sans aucun jugement. 

IUD : Une clinique de médecine de proximité a ouvert ses portes à Salaberry-de-Valleyfield au mois de septembre 2021. Qu’est-ce qui vous a amenée à mettre sur pied cette clinique ? 

Dre F. D. : C’est Pacte de rue, un organisme en travail de rue qui œuvre dans le milieu communautaire à Salaberry-de-Valleyfield depuis 1994, qui a relevé chez ses membres le besoin de rencontrer des médecins, d’avoir une clinique vraiment pour eux. L’organisme a constaté à quel point il était difficile pour ses membres d’avoir accès à des services médicaux, qu’il s’agisse d’un rendez-vous avec un médecin, d’une prise de sang ou de services psychiatriques. L’offre était très limitée, et lorsque ces personnes arrivaient à obtenir une consultation, elles se sentaient jugées et mal reçues. L’idée d’offrir ce service vient donc directement de ces personnes. 

IUD : Quels sont les objectifs de cette clinique ?

Dre F. D. : L’objectif premier est de favoriser la santé globale de personnes vulnérables aux prises avec des enjeux de désaffiliation sociale et de répondre à leurs besoins médicaux. Il peut s’agir de besoins ponctuels, comme un test de dépistage d’une ITSS ou le traitement d’une plaie, ou de suivis plus réguliers en lien avec des maladies chroniques comme le diabète ou l’hypertension.

Un autre objectif est d’aider ces personnes à établir un lien de confiance avec le système de santé.

Comme elles se sont souvent senties jugées par les professionnel.le.s du réseau de la santé, qui leur ont réservé un accueil plutôt froid ou les ont même renvoyées des urgences, elles ont perdu confiance dans le système de santé.

Or, le but est de créer un lien de proximité, d’aller dans leur milieu et de rétablir la confiance pour pouvoir éventuellement les amener à retourner dans le système de santé régulier. C’est vraiment là l’objectif final : la réaffiliation au système de santé. Pas seulement en ce qui a trait à la santé physique, mais aussi sur le plan de la santé mentale et sur le plan psychosocial. 

IUD : Croyez-vous que ce service pourrait faire l’objet d’un projet de recherche dans un proche avenir ?

Dre F. D. : Oui, c’est certain ! Il serait très intéressant de voir si la clinique répond vraiment aux besoins des personnes, si nous atteignons nos objectifs et comment nous pourrions améliorer nos services. Nous colligeons déjà des statistiques afin de pouvoir un jour les combiner et élaborer un projet de recherche avec nos partenaires, la Direction des services multidisciplinaires, de la recherche et de l’enseignement universitaire (DSMREU) du CISSS de la Montérégie-Ouest et la Santé publique de la Montérégie. 

IUD : À plus long terme, que souhaitez-vous que ce service change dans la pratique clinique ?

Dre F. D. : En plus de créer des corridors de services et de faciliter la navigation dans le système de santé, nous souhaitons démystifier l’itinérance et la dépendance auprès des médecins et du personnel infirmier qui sont moins exposés à des personnes présentant ces types de profils.

Nous travaillons aussi à briser les stéréotypes et les jugements véhiculés sur ces personnes souvent victimes de leur marginalité. Mais il s’agit vraiment d’un travail d’équipe et de concertation entre le réseau de la santé, les intervenant.e.s en médecine de proximité et les organismes communautaires.

Pour que de réels changements surviennent dans la pratique clinique, il faut arrêter de travailler en silo et mettre nos efforts en commun, que tous les acteurs travaillent en équipe.  

Nous avons aussi intégré dans nos comités cliniques des personnes qui utilisent les services de la clinique. Nous les appelons les « usagers-ressources ». Lorsque nous proposons de nouvelles idées pour améliorer le service ou que nous discutons des enjeux et des obstacles, ce sont souvent les usagers-ressources qui vont nous aiguiller sur des pistes de solution. Il ne faut pas oublier que c’est leur projet, ce sont eux qui ont exprimé ce besoin au départ. La clinique est donc née de ce besoin, de leur désir d’avoir accès à des services de médecine au sein de leur ressource communautaire. 

IUD : En terminant, pourriez-vous nous dire comment le service est reçu par les personnes que vous rencontrez ? Quels sont leurs commentaires ?

Dre F. D. : Nous avons de très, très bons commentaires. Les gens sont satisfaits, ils sont heureux d’être accompagnés par un.e professionnel.le de la santé qui s’assoit, qui écoute leur problème et qui n’essaie pas de les changer dès la première rencontre. Ils sont heureux de ne pas se faire dire : « Ben là, arrête de consommer, c’est sûr que tu te retrouves dans la rue si tu dépenses tout ton argent dans la drogue… ». Juste d’être écoutés et pris au sérieux, ils se sentent plus en confiance. 

Pour plus de détails sur la clinique, communiquez avec :


Claude Théorêt
Coordonnateur clinique de la Clinique Médecine de Rue, Pacte de rue 
Courriel : claude@pactederue.com 
 
Entrevue réalisée par Geneviève Fortin, agente d’information et de transfert de connaissances, IUD